Dessin: Nicolas Le Corre - Editions Breizh Moljenn - Bretagne / Breizh
| Il est temps d'expliquer comment Merlin naquit. Du moins cette fois.
En ce temps-là ... Qu'est-ce que ça veut dire "ce temps-là ?" Quel temps là ? ...
Ca veut dire il y a plus de mille ans, nettement plus. Il est difficile d'être précis, et d'ailleurs inutile. C'était en ce temps-là...
Les anciens dieux n'étaient pas morts, ils vivaient dans les forêts, les lacs et les sources, les hommes les connaissaient, les rencontraient parfois, ne les craignaient guère. |
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En échange d'une aide, d'une faveur ils leur faisaient des cadeaux, un pigeon, des fleurs, une poupée, un plat de pois au lard, à la mesure de leurs moyens, qui étaient minces. Les dieux ne se montraient pas exigeants. Ils étaient pauvres et modestes, comme eux. Mais dans un bout du continent qui avait encore des noms changeants, un dieu nouveau s'avançait, venu de Jérusalem, où il était mort et ressuscité, en même temps qu'il régnait en permanence dans les cieux.
Il balaya devant lui les autres dieux. Ce n'était pas qu'il refusât le partage : il n'en avait même pas l'idée.
Il était l'Unique, il occupait la totalité de l'espace et du temps, qu'il avait créés. Il eût, malgré cela, bien toléré les autres dieux, ils ne le gênaient pas, ils étaient éparpillés, minuscules, ils ne se différenciaient pas essentiellement de lui, ils étaient son propre reflet émietté par les miroirs de la vie. Mais une armée de prêtres et de moines intolérants ratissaient en son nom les campagnes, proclamant qu'il était un dieu jaloux, ce qui était faux, à son niveau on ne peut être ni jaloux, ni vengeur, ni justicier. La justice se fait d'elle même dans le coeur des vivants. Les prêtres et les moines, les uns sincères, les autres calculateurs, tous dans l'erreur, promettaient et menaçaient en Son Nom, promettaient à ceux qui L'adoraient et Lui obéissaient les délices d'une moelleuse vie éternelle et menaçaient les mécréants des souffrances abominables de l'Enfer ....
C'est ainsi que, par leurs sermons et leurs vociférations, ils coupèrent l'Unique en deux ...
Dans l'esprit des croyants alléchés et épouvantés, il y eu désormais en haut le Dieu blanc, dispensateur de la félicité, et en bas le Dieu noir aux dents sanglantes et aux mains de feu, qui guettait leurs défaillances.
C'est ainsi que le Diable, puisqu'ils croyaient en son existence, exista... | Illustration : Gustave Doré, pour l'Enfer, Chant vingt-deuxième ; La Divine Comédie de Dante
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